les racines noires
Les racines noires.
Le génie créatif africain.
I- La nécessité d’un manifeste des racines noires :
Il est impossible de vivre sans mémoire et non plus avec la culture d’autrui. Chaque peuple développe sa culture dans ses propres perspectives. Dans la musique de l’univers chacun apporte une note différente mais nécessaire à la grande symphonie.
Pour le besoin d’une méthodologie inhérente au champ culturel le génie créatif africain a été évoqué à travers des idées, des théories et des mouvements. Les racines noires se manifestent dans des pratiques culturelles préconçues effectivement vécues des africains. C’est ainsi que chaque fait est l’expression et l’aboutissement des principes et des pensées qui l’on suscités.
II- La loi d’abstraction et de synthèse :
Est le principe selon lequel le génie créatif africain procède de l’abstraction ou réduction des choses de la réalité concrète à des formes simples et essentielles ; et ensuite d’un processus de synthèse soit de condenser le sujet à une expression positive, stylisée mieux évocatrice : transmutation, métamorphose…
Cette loi est limitée par son caractère mécanique et son manque de rapport avec les autres dimensions de l’âme noire.
III- Les mouvements de la renaissance panafricaine :
Les résistances du pouvoir traditionnel, les guerres de libération, les mouvements pan-nègres, panarabes et panafricains sont des manifestations de ce processus. Après l’esclavage et la traite des noirs, le souci de la renaissance des cultures nationales se manifeste par la volonté d’assumer le destin des peuples, la langue, l’histoire et la gestion du pouvoir.
A l’époque des luttes pour l’accession à l’indépendance les théories de l’African Personality, de la Négritude, du Conscientisme, de l’Authenticité, de l’Ujama, de la Révolution… représentent autant de doctrines d’affirmation des libertés.
IV- Le principe d’accomplissement de soi :
Est le contenu essentiel de l’art mbari du Nigeria et de l’art des peulhs Bororo. Dans le même ordre d’idées la culture du bel homme comme œuvre d’art est présente dans :
- la figure universelle de l’homme célébrée dans le culte Sirigue et Kanaga des Dogon.
(La figure kanaga ou karanga au Mali et au Nigeria est d’abord la représentation la plus dépouillée possible de l’hominidé, du primate et de tout être vivant, soit ovipare soit vivipare. Elle représente la gloire de l’existence de l’homme assimilé à un bâtonnet ou un trait d’union entre ciel et terre. Elle illustre la création, la naissance, l’accouchement et la procréation ; à ce titre elle est le symbole de l’art, le génie créatif, et aussi l’origine du monde).
- La figure du bel homme d’une saison de fête dans la tradition odjukru, dans l’esprit carnavalesque un peu partout en Afrique.
- La figure taprognan du guerrier artiste chez les Kyaman.
- La figure bagnon de la vedette artiste chez les Bété.
- La figure ziza chez les Gban.
Les formes africaines d’esthétique constituent un système de valeurs destiné à la culture de l’humanité noire, le sens du progrès, la bienséance civile, le raffinement des mœurs, la beauté physique et morale. Il y a en pays Bamanan des formes de sagesses populaires destinées à réaliser les conditions d’un mieux vivre ensemble par l’institution des liens de cordialité, de convivialité et de concorde. Les pratiques du teriya, du jatikiya, du môkôya, du badenya, du balimaya, du sanankunya …ont fait du Mali un pays où la paix civile, le savoir-vivre ensemble et le respect de l’autre sont exemplaires.
Six sociétés d’initiation en pays Bamanan, à savoir ntomo, komo, nama, kono, ciwara, korè, enseignent à la personne le savoir, l’intégrité, l’endurance, l’état de nature et le règne animal, voire la capacité d’un sixième sens.
V- La conception de la force vitale :
Le principe animiste de la force vitale est présent partout en Afrique. Il imprègne tous les aspects de l’âme noire. La conception du Muntu chez les Bantu consiste en une essence vitale à la croisée des divers niveaux d’existence des différents êtres. Elle évoque le vitalisme comme source du génie créateur. Ainsi l’existence des humains est la continuité de celle des autres êtres vivants et de celle des êtres inertes, transmise par la chaîne de la perpétuité.
La figure soma est le prêtre, le devin, le guérisseur officiant le boli, soit le fétiche qui reçoit les libations. Il est le maître des domaines du paranormal et des sciences occultes dont la télépathie, la sorcellerie, la magie.
La figure kontrong est celle de l’esprit nain de la brousse (dankun, ou tu en Bamanan signifient la forêt et symbolisent le siège de la force vitale) portant un ustensile porte-bonheur sur la tête. C’est le pouvoir occulte de la confrérie des scouts, trappeurs, chasseurs donso. Et c’est un culte rendu pour célébrer la compétence, la performance et l’excellence dans tous les domaines de la vie.
Le Ndoep pratiqué par les Lebou est aussi une sorte de religion dansée tout comme le vaudou du Bénin. Dans son principe le monde abrite des rabs, des esprits errants qu’il faut convertir au profit de la bienséance.
VI- La conception du seko ni donko :
Reflète tous les autres principes des racines noires, à savoir le principe d’accomplissement de soi (qui est celui de l’art du trappeur donso des Malinké et des Bamanan) et celui de la force vitale. Ce terme qui signifie en bamanankan le pouvoir créateur est adopté au Mali pour désigner l’art, la culture, les sciences et les technologies. C’est l’élément central du Manifeste korofo à cause de son intégration des diverses dimensions de la mémoire des peuples d’Afrique.
Dans cette conception l’art est le pouvoir être, l’expression d’être, la façon de faire, d’agir, et non un acte théâtral ou un spectacle. C’est la compétence et les capacités cultivées dans la personne qui se révèle au gré des occasions, des évènements, des circonstances et des situations que la vie lui réserve. L’art est l’acte d’être, qui est un processus dans la mesure où c’est l’expression d’un capital de possibilités d’existences cultivé dans la personnalité des gens. C’est ‘’ la performance’’ (Joseph BEUYS) qui s’apparente à l’univers comportemental (l’expérience, la praxis) et le style de vie des gens, les mœurs, les coutumes. L’art africain est un art d’expression des valeurs profondes de l’âme noire. C’est l’opération d’une démarche dynamique et positive qui trouve son inspiration et sa matière dans la mémoire collective, la culture et la civilisation.
La vie tout entière est une providence, soit une infinité de possibilités d’existences. La vie tout entière est une transcendance, soit une participation à la chaîne de la perpétuité, à la création continue. « L’acte artistique est l’héritage naturel de l’homme. » (Barnett NEWMAN), car le monde est inachevé, et l’existence est imparfaite. L’homme imite l’œuvre de Maa Ngala et complète sa création. L’activité artistique consiste à répéter le mystère de la création primordiale liée à la puissance de la force originelle. « Vivre c’est être un créateur. »(Roger GARAUDY). Chaque personne humaine est un artiste. L’œuvre d’art des gens est en fait leur existence effective. L’objet de l’art est d’instaurer le génie de l’homme compatible avec l’harmonie de la nature, et de l’inscrire dans l’ordre du monde.
Toutes les personnes, tous les êtres font une même pratique qui est l’art d’être de chacun. Chaque être humain est un artiste qui œuvre à perpétuer l’humanité placée en lui. L’œuvre d’art réside dans la personne prise comme élément du grand ensemble humain.
VII- Art vivant intemporel :
L’art africain est un art intemporel (ou atemporel) parce que ses épreuves et ses interventions procèdent des méthodes et principes immuables, qui resteront toujours d’actualité. C’est un art de comportement ritualisé dans les mœurs ; un art d’expression des valeurs cardinales de l’âme noire ; un art vivant par sa démarche vitaliste positive ; et aussi parce que l’objet créé est un support de forces doté d’un pouvoir être qui trouve sa fonction dans l’expression des rites de la vie.
Art vécu et éprouvé, il s’apprend sur le tas et au pif avec la vie. Il est sans matière propre, sans objet propre, sans forme propre. Art fonctionnel dont l’office est la culture de l’excellence (performances, compétences, valeurs, ressources) ; mais aussi d’occasionner une tournure des évènements dans le sens de la providence et la bienséance. L’art n’est pas une solution universelle mais c’est la réponse dans chaque cas. C’est l’instrument, l’outil universel en vigueur partout dans la vie. Il reste en toute circonstance le moyen de vie et de survie des gens.
Au commencement était la force. Dieu, force suprême, a créé en une fois la force en diversifiant ses ressources et ses pouvoirs. Et dès lors toutes les créatures (choses, plantes, animaux, humains) sont douées de pouvoir être. Et le monde paraît tout à la fois fini et inachevé. La vie est un échange de forces et de valeurs, une lutte permanente entre les entités qui peuplent le monde. Grâce aux ressources (vœux, sacrifices), aux actes et aux performances (prestations) la personne intervient dans l’édifice du monde en sollicitant un déplacement ou un détournement (inversion) des forces et opportunités en sa faveur.
Le principe de la fonctionnalité dans l’art africain se comprend mieux dans la dimension du fétiche, boli ou gri-gri, soit amulette. Le fétiche est un échafaudage, un amalgame, un montage fabriqué, une structure construite mais dotée d’un pouvoir agir et être ; donc une chose qui fonctionne. C’est le syncrétisme, soit l’assemblage de la dualité du couple yinki-yanka (en Bamanan signifiant le ying et le yang), qui marque la cadence et donne la mesure du rythme céleste ; et qui évoque l’allusion au serpent mythique saba présent dans tous les mythes et célébré dans tous les cultes. C’est la contingence des contraires positif- négatif, face / revers, endroit – envers. L’œuvre est une performance qu’il faut surmonter ; une performance seulement analysable suivant la dualité bon – mauvais, soit efficace ou non. Chaque œuvre de l’art africain signifie par sa fonction, son effet, son pouvoir. Au delà des qualités instrumentales et utilitaires il y a les dimensions mystiques et psychiques consacrées dans l’objet créé. Chaque élément dans l’objet d’art africain est une entité qui joue son rôle dans l’incarnation, la présentification et le rayonnement cherché. Le superflu et les fioritures en sont bannis. Et les thèmes ne sont que de simples prétextes à l’exercice du génie créatif. Mettre par exemple un message idéologique et politique dans une œuvre n’est pas un acte propre à l’art africain. / .
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